Comme dans tous les villages québécois où le chemin de fer est passé, la gare a grandement contribué à la naissance et à la croissance de Laurier-Station. Non seulement le train permettait aux résidents de parcourir de bonnes distances en peu de temps, mais il a également stimulé le développement économique de la région, à la grande satisfaction de tout le comté. On n’a qu’à penser à madame Théophile Daigle venue s’installer à proximité de la station, avec ses fils Alexandre et Daniel, pour y exploiter le magasin général et le moulin à scie. Mais, sans plus attendre, laissons la gare de Laurier raconter son histoire.

Le train, alors le moyen de transport le plus utilisé, transportait autant les marchandises que les passagers qui venaient de toutes les paroisses avoisinantes. Si une personne avait affaire à Québec, c’est à bord du Deschaillons qu’elle devait monter. Le convoi partait de Laurier tous les matins, à sept heures, pour être de retour douze heures plus tard, aux environs de sept heures et demie, le soir même. Si quelqu’un voulait plutôt se rendre à Montréal, c’est à bord de l’Express qu’il lui fallait monter. Ce train s’arrêtait chaque jour, à la même heure, pour prendre des marchandises ou des voyageurs. D’ailleurs, il paraît que, de là, est née l’expression « envoyer ça par express ».

Pas besoin de vous dire qu’il y avait toujours de l’action et du monde à la gare, du beau à part de ça ! Les postillons s’empressaient d’y cueillir leur malle, les commerçants s’y rendaient pour envoyer ou recevoir leurs commandes, alors que d’autres venaient simplement y conduire un proche et le voir partir. Souvent, après la réception d’un mariage, plusieurs accompagnaient les jeunes tourtereaux partant pour le traditionnel voyage de noces. Puis, à l’arrivée des beaux jours, les jeunes gens se rendaient à la gare pour jaser en guettant l’arrivée des belles cousines qui venaient en promenade à la campagne ou le retour des gars de chantier après un long hiver. Même si aucun bar ne servait d’alcool à bord des trains, on raconte que plusieurs manquaient souvent la dernière marche à la descente, provoquant la rigolade parmi les flâneurs.

Quelques personnalités importantes sont aussi descendues à la gare de Laurier. L’histoire se souvient de certains premiers ministres en campagne électorale et, bien sûr, du seigneur Edmond-Gustave Joly de Lotbinière qui y débarquait accompagné de ses fils. Ceux-ci faisaient alors le délice des jeunes demoiselles du temps. D’ailleurs, les mères voyaient toujours d’un bon œil que leur adolescente soit courtisée par un jeune homme venu travailler à la station de Laurier. Plusieurs d’entre eux se sont même établis dans la région après avoir épousé une fille du village.
Bien qu’elle ait assisté à de nombreuses histoires heureuses, la gare a également été témoin d’événements plus tristes. Nombreuses sont celles qui ont versé des larmes en voyant partir leur amoureux qui allait travailler en ville ou dans un camp de bûcherons. Cependant, le moment le plus pénible d’entre tous était sans doute l’arrivée d’un cercueil renfermant la dépouille d’un proche tragiquement décédé au loin. Ces histoires à serrer le cœur faisaient également partie de la vie de cette halte ferroviaire…

Si la gare pouvait parler, que de souvenirs elle raconterait ! Toute l’histoire de Laurier-Station est intimement liée aux trains et à la voie ferrée. Ses habitants leur doivent la naissance et la prospérité de leur village. Donc, même s’ils ne font plus autant partie de la vie des résidents, les trains méritent bien qu’on tolère leur présence malgré les quelques inconvénients qu’ils entraînent sur leur passage.

Source : site Internet de la municipalité de Laurier-Station.

Avant la venue des automobiles et des trains, on se déplaçait en Lotbinière essentiellement à cheval. Nombreux ont été les forgerons de métier qui s’affairaient à ferrer les pieds des chevaux et à réparer les voitures tirées par ces derniers. Déjà en 1873, Lazare Boucher exerçait ce métier à Saint-Agapit. Aristide Boutin, Ladislas Croteau, Évangéliste et Charles Desrochers ainsi que Wilfrid Olivier ont également ferré bien des chevaux. Pour ce faire, il fallait râper et soigner les sabots au besoin. Les vaillants travailleurs martelaient également les ferrures des bobsleighs, des carrioles, des borlots et des banneaux grâce à un petit feu à charbon qui réchauffait la forge. Le martèlement du marteau sur l’enclume et l’odeur de corne de sabots brûlée accompagnaient le travail des forgerons toute la journée. Roger Bélanger, le dernier forgeron officiel de l’avenue Bergeron, se souvient qu’en 1948, on ferrait les quatre sabots d’un cheval pour trois dollars.

Les hommes du village aimaient bien se rassembler à la forge, surtout l’hiver. On descendait du village et des rangs des alentours, Sainte-Marie, Cataraqui… et on venait placoter, jouer une partie de cartes ou de dames. Parfois, on se contait même des histoires, question de passer le temps. C’était avant que la télévision ne vole la parole aux conteurs…

V‘la ti pas qu’un beau matin de printemps, les hommes s’étaient attroupés à la forge afin de faire préparer leurs animaux pour le travail aux champs qui allait bientôt s’amorcer. Les hommes avaient constaté que la belle jument du père Gédéon avait un « je ne sais quoi » d’original ce matin-là. Sa petite coquetterie, tout à fait féminine, était bien évidente. Quelques-uns se retenaient pour ne pas pouffer de rire, sachant fort bien que le père Gédéon était très soupe au lait, en plus d’être mauvais perdant aux cartes.

Le père Gédéon, vraisemblablement désemparé, pris les devants et raconta aux autres l’étrange histoire qui suit :

« À matin, quand je suis entré dans l’écurie pour aller à ma jument, v’la ti pas que j’la trouve essoufflée, comme si elle avait couru toute la nuit dans l’enclos. J’ai trouvé ça étrange, mais comme c’est ma vieille jument, je m’en faisais pas trop. Mais quelle ne fut pas ma surprise de constater qu’en plus, elle avait la crinière et la queue toutes tressées. Ah ben là… j’comprenais pu rien.

J’me vais à la maison demander à ma femme si c’est elle qui a fait de tels sparages pour la belle jument. Elle me dit que non, mais qu’elle a entendu bardasser durant la nuit. C’est alors qu’elle me raconte que le père Alphonse Houde, d’Issoudun, lui avait déjà dit que le soir, quand il faisait chaud, au printemps ou à l’été, il allait toujours mettre un plat d’avoine à la contre-porte de l’étable ou de l’écurie.

“Ben étrange, lui dis-je. Pour quoi faire ?” Elle m’a alors parlé des lutins, les p’tits coquins, qui aimaient jouer des tours. Paraît que le bonhomme Houde s’était caché une nuit et avait observé leur petit manège. Ils se trouvaient un petit banc et commençaient par tresser en petites couettes la crinière du cheval. Ensuite, ils le chevauchaient, trois-quatre à la fois et le faisaient courir toute la nuit. À l’aurore, ils s’empressaient de nourrir l’animal avec un peu d’avoine et disparaissaient au plus vite.

Houde se souvint alors d’un truc de grand-mère pour distraire les lutins et permettre à son cheval de se reposer. Il mit donc un plat d’avoine devant la porte de l’écurie. La nuit venue, les lutins malveillants arrivèrent à la course, empressés de recommencer leur petit manège. Les étourdis ne virent pas le plat d’avoine et le renversèrent. Ces taquins petits êtres ont bien des défauts, par contre, ils sont très à l’ordre. Ils ont donc passé toute la nuit à ramasser les grains d’avoine, un par un, alors que le cheval dormait paisiblement. Orgueilleux, ils ne sont jamais revenus à son écurie.»

Cette histoire a bien amusé tous les hommes à la forge, à tel point que le soir venu, c’était le fait cocasse qu’on racontait au souper dans plusieurs chaumières à Saint-Agapit. Mais notre père Gédéon n’entendait pas à rire et décida de déclarer la guerre aux lutins. Ce soir-là, il mit donc un plat d’avoine à la porte de l’écurie, comme le bonhomme Houde. Ben vous ne le croirez peut-être pas, mais le lendemain matin, le bol trônait encore devant la porte, intact, rempli comme la veille! Gédéon n’a plus jamais eu de visiteurs nocturnes.

Légende composée par Marie-France St-Laurent
inspirée de faits historiques tirés de Saint-Agapit – 1867-1992.

En 1854, une nouveauté hors du commun fit son apparition dans le comté de Lotbinière : des rails de fer ! Puis, sur ces voies ferrées passèrent d’est en ouest des voitures roulantes, visibles au loin avec leur traînée de vapeur noire et un sifflet marquant leur passage. Un nouveau mode de transport voyait le jour : le train. La construction du chemin de fer Grand Trunk Railway permit de relier Lévis à Richmond, puis à Montréal et, en bout de parcours, à Sarnia, en Ontario. Traversant Lotbinière, la voie ferrée, communément appelée le Grand Tronc par les francophones, permit l’expansion de deux nouveaux noyaux villageois : Rivière-Noire, devenu Saint-Agapit, et Méthot’s Mill, maintenant connu sous le nom de Dosquet.

Tout avait commencé dans les années 1830-1840 alors qu’une centaine d’hommes travaillaient pour Louis Méthot. Ces derniers déboisaient et transportaient le bois au moulin à scie construit le long de la rivière Henri. Méthot, ce bâtisseur originaire de Sainte-Croix-de-Lotbinière, eut tellement d’influence que le village formé autour de son moulin fut nommé Méthot’s Mill en son honneur, de même que la gare qui commença à prendre des passagers dès 1854.

En 1881, c’est au tour de Louis-Octave Ratté, marchand de Saint-Flavien, de s’y établir, avec sa famille, en se portant acquéreur des biens de Wenceslas Méthot, l’héritier de Louis. Il fit construire sa maison dans le village, le long de la voie ferrée. Une partie de sa résidence faisait office de magasin général, puis un hôtel permettant de loger les travailleurs du chemin de fer fut également érigé. Homme d’affaires influent associé aux grands noms des villes, monsieur Ratté prenait le train chaque lundi matin en direction de Québec, valise brune sous le bras, afin d’effectuer le dépôt de la semaine à la Caisse d’économie du Québec.

À son décès, en 1907, son épouse, Célina Roy, entreprit de concrétiser le rêve de son mari : que Méthot’s Mill devienne une paroisse distincte et autonome. C’est ainsi qu’en 1912, l’archevêque de Québec autorisa la fondation de la paroisse de Saint-Octave-de-Dosquet, maintenant mieux connue sous le seul vocable de Dosquet.

Les voyageurs en partance de Dosquet ont bien connu le gendre de l’illustre couple Ratté, monsieur François-Xavier Caron, chef de gare de 1885 à 1937. En 52 ans de service, monsieur Caron en a entendues des histoires ! Les gens de tout le comté affluaient à Dosquet pour prendre le train de Méthot’s Mill vers Québec. Certains devaient se rendre à la gare à pied, faute de monture. Les habitants de Sainte-Croix allaient en ville pour déposer de l’argent à la banque, car ce n’est qu’en 1910 que la municipalité eut la sienne. Même chose pour les habitants de Dosquet, dont la Banque canadienne nationale ouvrit ses portes vers 1925.

La gare de Méthot’s Mill était alors le lieu de rencontre des jeunes hommes et des jeunes filles, et où les raconteurs s’en donnaient à cœur de joie. Les histoires étaient également alimentées par le passage régulier du postillon Éphrem Roy qui transportait les sacs de courrier parvenus par le train jusqu’aux bureaux de poste en utilisant divers moyens de transport. Il se rendait notamment jusqu’à Sainte-Agathe-de-Lotbinière pour livrer la poste, non pas à cheval, en voiture ni à pied, mais bien en attelage de chiens ! Par la suite, ce sera en snowmobile que monsieur Joseph Faucher assurera le service de la poste et de taxi pour cette même paroisse.

À cette époque, une nouvelle coutume vit le jour : les voyages de noces ! Cette nouvelle pratique permettait aux époux de prolonger les festivités du mariage, de visiter de la famille ou de se retrouver pour un premier voyage en couple. Les nouveaux mariés de la région pouvaient maintenant partir en voyage vers Québec, Montréal ou même Niagara Falls, en Ontario, pour les plus aventureux.

Au fil du temps toutefois, la popularité du train s’amoindrit, et ce, dès la venue des automobiles au milieu du 20e siècle. À un point tel qu’en 1990, les rails de la voie ferrée désaffectée furent enlevés. En 1998, on aménagea une piste cyclable nommée le Parc régional linéaire de la MRC de Lotbinière, qui permit aux résidents et aux touristes de pratiquer de façon sécuritaire une activité récréative de plus en plus populaire. D’est en ouest, on aura vu défiler bien des générations de voyageurs empruntant des moyens de locomotion évoluant au fil du temps et des modes.

Source : Archives de folklore de l’Université Laval,
collection Rita Désy-Proulx et Saint-Octave-de-Dosquet 1912-1987.

Entre Dosquet et Sainte-Agathe-de-Lotbinière, il y avait un camp de bûcherons. Dans ce temps-là, ils passaient leur hiver dans le chantier, dans le camp. Il y en avait deux ou trois dans les alentours et, de temps en temps, ça se rassemblait pour faire une veillée pour avoir du plaisir.

Justement, c’était le Mardi gras au soir. Autrefois, le Mardi gras était fêté, parce que c’était la veille du mercredi des Cendres et du début du carême, où ils en avaient pour 40 jours sans manger de viande ni faire d’excès.

Donc, ce beau soir-là, les travailleurs du chantier s’étaient rassemblés et les bûcherons des autres camps étaient venus fêter aussi. Aussitôt les gens arrivés, la veillée a commencé. Au début des veillées, ça commençait par jouer aux cartes tranquillement, puis ça prenait un p’tit coup de Caribou, et quand le plaisir embarquait, ça lâchait les cartes et ça se mettait à danser. C’était défendu de danser dans ce temps-là ! On disait même que dès qu’on mettait les pieds sur le seuil de la porte où ça dansait, le péché était commis.

Au cours de la veillée, un bel homme, ganté et vêtu de noir, cogna à la porte et entra dans le camp. Il demanda à se joindre aux festivités pour la veillée. Tous acceptèrent de bonne grâce, même si on trouvait bizarre que le monsieur ne veuille pas ôter son chapeau ni ses gants.

Même si toutes les jeunes femmes voulaient danser avec lui, l’homme ganté avait plutôt l’air intéressé par la fille de la cuisinière. Il lui parlait, la reluquait et lui tournait autour. La jeune fille avait une petite chaîne dans le cou, avec une petite croix. Il voulait qu’elle l’ôte. Elle refusa.

La mère, la cuisinière du camp, qui était assez âgée, ne s’occupait pas de la veillée, même si ça giguait fort autour d’elle. Elle se berçait à ras le poêle en surveillant l’étranger courtiser sa fille. Elle se demandait pourquoi il voulait pas ôter son chapeau, pourquoi il voulait que sa fille enlève sa chaîne. Tout ça commençait être louche, très louche.

À un moment donné, ça cogna encore à la porte. C’était le curé qui arrivait. Parce que dans ce temps-là, c’était la coutume, le curé faisait le tour de tous les camps de bûcherons des alentours. Le curé entra et donna la main au monde. L’ambiance se refroidit un peu.

La vieille dame lui apprit les étranges agissements de l’inconnu en noir. Sans attendre, le curé s’en alla le voir et lui passa son étole autour du cou. Si vous aviez vu ce qui s’est passé ! Le Diable a lâché la petite en poussant un cri sauvage, tous ses habits ont pris en feu, puis il est sorti par la porte comme une balle, laissant une odeur de roussi dernière lui.

Mais le bougre avait pas remarqué la croix en avant du camp. En la voyant, il a braké si sec que ses deux pieds sont rentrés dans la roche ! Il est reparti aussi vite, mais sa chaussure est restée dans le roc. Pied nu, il a fait une autre piste un peu plus loin et s’est volatilisé dans la nuit.

Je peux vous dire que le monde s’est tenu tranquille pour un temps après la peur qu’ils ont eue ! Trois traces du Diable se sont imprimées dans la pierre ce soir-là. Aujourd’hui, une seule est encore visible : on distingue comme il faut la chaussure et le talon. Mais l’autre piste, où on pouvait compter les cinq orteils, a disparu quand ils ont miné le cap pour élargir le chemin.

Relatée par Albert Gagné et romancée par Véronik Desrochers.
Voir la vidéo >

M’a vous conter c’qui m’est arrivé dans mon bas âge. J’avais quatorze, quinze ans dans c’temps-là. La drave était pris dans un coude d’la Beaurivage. On avait espérance de draver dans l’été, j’avais ben hâte à ma première drave ! Mais l’eau de la rivière n’est pas montée, ça fait que tout l’bois était encore là quand l’automne est venu.

Avant l’hiver, la compagnie a décidé de faire haler l’bois de la rivière et de le corder au sec et en sécurité pour pas que l’eau l’emporte au printemps. Un nommé William Flamant, connu par plusieurs dans le coin de Saint-Gilles, avait jobbé un bout. Moué pis mon père, on travaillait pour lui. Mon père était fort et y’avait de l’expérience, y gagnait une piasse par jour, pis moi, je recevais cinquante cents. J’étais jeune, j’avais quatorze ans, j’étais pas ben ben robuste encore, mais j’avais du nerf et de l’énergie.

Cet automne-là, v’là-ti pas que j’ai attrapé une sorte de pleurésie à force de me mouiller dans l’eau frette pour aller chercher les billots. J’ai fini la job de peine et de misère, je vous dis. Pis, après c’te contrat-là, il m’est toujours resté comme un point dans le côté. J’tais ben découragé de ça. Ça m’empêchait de travailler et de faire ma besogne, j’avais même d’la misère à me coucher sur mon côté. J’en m’nais pas large !

Un bon soir, un bon quêteux est arrivé chez nous. Un nommé Léon, comme moi, c’tait facile à se rappeler. Mes parents l’ont installé, comme de convenance, sur le banc près de l’entrée. Il était ben d’adon, ça fait que j’me suis mis à y parler de mon mal pendant que le père et mes frères étaient à l’étable. J’y racontais mon malheur.

Ben y dit : « J’ai justement l’remède pour toué ! » Je voulais pas qui se fende en quatre pour moi, mais ça m’intriguait de savoir si sa médecine allait me guérir. Ça fait qu’il est parti à travers champs et forêts et y’est revenu avec des mauvaises herbes et des substances écœurantes dans sa besace. Y’a tassé la mère de son poêle et y’a commencé à fabriquer une potion qui sentait le diable. L’haleine du grand-père sentait la rose à côté d’ça, je vous dis !

Après trois quarts d’heure de décoction, y m’a fait coucher sur la table, pis y m’a beurré de c’t’emplâtre-là. Une sorte de gomme noire, un tapis ben ciré qui m’a mis d’sus, je vous dis, c’était toute qu’une affaire. Ma mère rouspétait et faisait des grimaces; elle voulait pas qui salisse la table. Moé, je me demandais comment j’allais faire pour décoller cette écœuranterie-là. Une chance que j’étais pas trop trop poilu dans ce temps-là. Finalement, ben sérieux, le quêteux m’a dit : « Mets l’emplâtre soir et matin pendant deux jours, pis tu vas être couché sur ton côté et respirer comme faut en moins de deux ».

Le lendemain, y’a d’mandé à manger, remercié le père et y’est parti en me rappelant sa consigne.

Comme de faite, j’ai écouté ce qui m’a dit. Ah, j’sais pas si j’avais confiance, mais je me suis dit que j’avais rien à perdre. Pis, imaginez quoi ? Ça m’a guéri, et le mal de poumons n’est jamais revenu. J’touche du bois en vous disant ça !

J’ai jamais revu c’te quêteux-là, Léon qui s’appelait, j’ai jamais pu le remercier de m’avoir enlevé mon mal. En fait, c’est un peu ce que j’fais aujourd’hui en vous contant cette histoire-là.

Contée par Léon Jolicoeur, Saint-Gilles, Archives de folklore de l’Université Laval, collection André Bilodeau. Adaptée par Véronik Desrochers.

De nos jours, tout le monde reconnaît le dynamisme agricole de Saint-Narcisse-de-Beaurivage, dont les terres sont fertiles et les agriculteurs prospères. Il n’en fut pas toujours ainsi cependant. Autour des années 1880, comme l’argent se faisait bien rare sur les terres fraîchement défrichées, les agriculteurs peinaient à joindre les deux bouts avec leurs grosses familles de dix à seize enfants. Les hommes partirent donc faire les chantiers dans les montagnes Blanches du Vermont, au sud des Appalaches. Deux contremaîtres du coin, Thomas Blaney et Pierre Kidheart, les accompagnaient. Après 1917, l’accès aux États-Unis étant limité, on opta pour l’Abitibi ou le nord de l’Ontario. Dans ces chantiers, les hommes pouvaient gagner 20 dollars par mois, parfois même 50, s’ils conduisaient deux paires de chevaux.

Cependant, il était également possible de travailler tout près, au camp de bûcherons d’Alfred Béland, dans la seigneurie Ross. On s’y rendait par la route de Sainte-Agathe. La première année, il fallut construire un camp en bois rond que l’on isola avec de la mousse ramassée sur les terres spongieuses. C’était tout un régal pour les rongeurs… petits et grands. C’est là que se trouvait également la cookerie (cuisine) de même que la cache où l’on entreposait les vivres du camp.

Dans ces lieux isolés, comme les camps de bûcherons aussi bien que les villages semés au bord du fleuve, la parole du conteur était souvent, avec le son du violon, le seul divertissement.

La légende préférée dans les camps de bûcherons, c’était bien sûr la chasse-galerie. Elle prenait son envol en ces lieux isolés et mettait en scène l’histoire de ces vaillants travailleurs des bois. En désespoir de cause, ils faisaient un pacte avec le diable afin de retrouver leur fiancée dans leur village, le soir de la Saint-Sylvestre – c’est-à-dire le 31 décembre, la veille du jour de l’An, le nom même du village le plus au sud de Lotbinière et du diocèse de Québec, un nom inspiré du dernier saint du calendrier liturgique.

C’est ainsi que les bûcherons parcouraient le ciel, du camp jusqu’au village, dans un grand canot d’écorce. Mais laissons la légende parler d’elle-même…

À peine avait-on prononcé les dernières paroles dictées par notre étrange guide que le canot d’écorce s’éleva dans les airs à une hauteur de cinq ou six cents pieds. Au commandement de Baptiste, on commença à ramer comme des possédés qu’on était. Aux premiers coups d’aviron, notre embarcation s’élança dans la nuit comme une flèche. On allait tellement vite que ça nous en coupait le souffle, et le poil en frisait sur nos casques de chat sauvage. Pendant un quart d’heure environ, on navigua au-dessus de la forêt, sans apercevoir autre chose que les bouquets des grands pins noirs. On filait plus vite que le vent.

Enfin arrivés au village, on s’amusa comme des petits fous et on dansa au son endiablé du violon. Mais, comme convenu, il fallait retourner au campement avant que le jour ne se lève. Regagnant le canot, on prononça la formule magique à contrecœur afin de s’envoler dans le ciel et retrouver notre labeur routinier.

Malgré tout, la nuit était superbe et la pleine lune illuminait le firmament comme un beau soleil de midi. Il faisait un froid du tonnerre; nos moustaches étaient couvertes de givre bien qu’on fût tout en sueur. Comme on avait bu un peu trop de caribou et qu’on n’avait pas d’expérience de conduite de la chasse-galerie, le canot zigzaguait et tournoyait dangereusement. Arriva donc ce qui devait arriver : le canot frappa de plein fouet une grosse épinette, et tout le monde dégringola. Heureusement, la neige épaisse adoucit notre chute et, à part quelques égratignures, on s’en tira tous à bon compte. On n’était pas très loin du camp, on put donc terminer trajet à pied. On jura tous qu’on ne nous y reprendrait plus jamais… jusqu’à la prochaine fois !

On ne saura jamais si un canot d’écorce s’est réellement envolé de la seigneurie Ross, mais on peut toujours se l’imaginer !

Source : St-Narcisse-de-Beaurivage 1872-1972 et légende de la chasse-galerie, publiée pour la première fois par Honoré Beaugrand.

Les courses de chevaux sous harnais de Saint-Patrice-de-Beaurivage faisaient partie du rituel dominical, au milieu du 20e siècle, dans la région de Lotbinière. Plusieurs centaines de gens des alentours se rassemblaient à Parkhurst, au coin de la route Craig et du rang des Chutes, à proximité d’où eut lieu, des années durant, l’exposition agricole du sud du comté.

Grâce à l’efficace publicité de monsieur Edmond Therrien, les estrades croulaient sous une assistance nombreuse et enthousiaste, atteignant parfois le millier de spectateurs ! Monsieur Jean-Paul Demers, autrefois épicier du village de Saint-Patrice, se remémore le bon temps, quand son frère Léo-Gilles, âgé de 12 ans, était jockey : « Jeune garçon, je partais de Saint-Gilles pour venir assister aux courses; j’aimais ça comme un fou. Mon père conduisait le camion et, comme j’étais le treizième de famille, je devais embarquer avec mes frères dans la boîte du camion, avec les chevaux ».

Monsieur Louis Guay de Saint-Narcisse était le doyen des courses. Marie-Louis Breton, membre fondateur du Club Parkhurst, en 1945, et jockey de 1944 à 1949, souligne que lorsque « Louis Guay arrivait sur la piste avec son cheval Grandtown, l’annonceur Franck Burns les présentait toujours comme les plus âgés. “À eux deux, ils ont 100 ans !” disait-il ». Le cheval avait 20 ans et monsieur Louis Guay, 80 !

Les jockeys s’exerçaient toute la semaine avec leur selkey en vue de l’épreuve du dimanche. L’entraînement se faisait soit dans le rang Saint-Charles où les chevaux trottaient, soit sur la piste de course même, située sur la terre d’Alphonse Brown. Cette piste de terre battue avait un demi-mile de circonférence. La moyenne de temps pour la meilleure classe, la catégorie Free for all, était de deux minutes dix secondes. Les chevaux les moins rapides se trouvaient dans la classe A et la classe B.

La foule affluait à l’hippodrome après la messe; les dames portaient leur belle robe, les messieurs leur chapeau et les enfants leurs beaux habits. Il en coûtait 0,25 $ pour entrer sur le terrain. Chacun avait ses favoris et les paris allaient bon train, sauf pour les plus jeunes évidemment. On avait également prévu un pique-nique afin d’agrémenter la sortie. Il n’était pas rare qu’un petit boire égaye les spectateurs et anime les paris. L’ambiance était à fête et à la franche camaraderie quand, soudain, on entendait l’annonceur maison s’adresser à la foule. Irlandais d’origine, Frank Burns cassait son français avec un charmant accent typique des anglophones du secteur. Il n’hésitait pas à inclure quelques commentaires en anglais pour ses compatriotes.

« Mesdames et messieurs, ladies and gentlemen, ici Frank Burns qui vous souhaite la plus cordiale des bienvenues au club de courses Parkhurst. Et maintenant, pour cette première course de la catégorie Free for all, voici par ordre d’entrée sur la piste, le numéro 1 : Paramount Tood, conduit par monsieur Duclos de Saint-Bernard; le numéro 2 : Prince McKinney, conduit par Arthur Blais de Saint-Patrice; le numéro 3 : Picaniny, conduit par Marie-Louis Grenier de Saint-Patrice… »

Sous les encouragements frénétiques des spectateurs, les chevaux nerveux et les jockeys fébriles s’avançaient à la ligne de départ. Puis, au son de la cloche, la première course s’amorçait. À une vitesse épatante, les cavaliers et leur monture s’élançaient sur la piste. Deux tours complets étaient requis pour compléter la course d’une distance d’un mile. La foule, partisane, acclamait ses favoris. Plusieurs courraient à l’intérieur de la piste pour voir les coureurs le plus longtemps possible. Quelques spectateurs, sans doute de gros parieurs, hurlaient aux retardataires d’accélérer. La frénésie et l’excitation presque palpables, quel spectacle !

Bien sûr, l’annonceur Burns s’en donnait à cœur joie au micro. Pierre angulaire de l’événement, l’animateur coloré et endiablé vivait des moments de gloire aussi marquants que ceux des jockeys. En effet, il prenait son rôle très au sérieux, si bien que plusieurs personnes se souviennent encore de lui de nos jours.

Source : Capsule historique de Robert Taylor sur le site internet de Saint-Patrice-de-Beaurivage et Rachèle Grenier. Romancée par Véronik Desrochers.

Un quêteux du nom de Métivier, reconnu pour sa petite taille, parcourait chaque année les rangs de la paroisse de Saint-Sylvestre et visitait quelques familles. Très jovial, malcommode même, il était toujours accueilli avec générosité par les paroissiens qui adoraient l’entendre conter ses histoires loufoques et ses bonnes blagues. Or, un jour, en se rendant dans le rang de Beaurivage, il se sentit malade et n’eut d’autre recours que de se reposer sous les arbres.

Monsieur et madame Faucher de Beaurivage, allant visiter des parents à Saint-Bernard ce jour-là, empruntèrent la route Cyr et remarquèrent le panier du quêteux de l’autre côté de la clôture, au bout des terres. Sans y prêter plus d’attention, ils pensèrent que leur quêteux avait traversé la clôture pour faire ses besoins naturels. Quelle surprise pour le couple quand, le lendemain, à leur retour, ils trouvèrent le panier à la même place ! Aussitôt arrivés à la maison, inquiets du sort du mendiant, ils alertèrent le voisinage.

Répondant à l’appel, plusieurs hommes partirent en hâte à la recherche de ce personnage tant apprécié. Il fallut quelques heures pour le retrouver dans un piètre état, sous les sapins. Après avoir amené le quêteux chez monsieur Alphonse Létourneau pour le laver, les volontaires attristés le transportèrent chez monsieur Eustache Gilbert. Puis, on alla quérir le curé Verret qui administra les derniers sacrements au pauvre malheureux, juste avant qu’il ne rende la vie. Le glas sonna au village, annonçant le décès à toute la paroisse.

À la demande de monsieur Gilbert, on exposa le corps dans sa maison, et ce fut monsieur John Marcoux qui fit sa toilette. N’écoutant que leur charité et leur grande générosité, les gens de Beaurivage se cotisèrent pour acheter les vêtements nécessaires à l’exposition du défunt. Toutes les dépenses occasionnées par le décès furent payées, jusqu’au service chanté par monsieur le curé Verret.

Encore aujourd’hui, on se souvient des funérailles de feu le quêteux puisque deux événements cocasses vinrent ébranler les bonnes gens de la paroisse. À cette époque, il fallait aménager une pièce à la maison et préparer les planches pour exposer le corps, chez monsieur Gilbert en l’occurrence, dans ce cas-ci. Comme le cadavre était fort rigide, des malins décidèrent de le placer debout, dans le coin, en attendant que tout soit prêt. Quelques instants plus tard, une femme du voisinage décida de faire une petite visite de sympathie, en avance… Elle faillit perdre connaissance en voyant le mort, les cheveux coupés, la barbe rasée, debout dans le salon. Elle crut à un mort-vivant. Imaginez la pauvre dame ! Elle s’en retourna plus vite que venue et ne prit même pas le temps de réciter la prière habituelle ! Le quêteux Métivier devait rire dans sa barbe en broussaille, haut perché au paradis.

Le deuxième soir, monsieur Alphonse Pageot, ayant une peur morbide des morts, vint veiller le corps du mendiant, bien allongé sur les planches cette fois-ci, un sou déposé sur chaque œil et un chapelet autour de ses mains jointes sur sa poitrine. Un peu fatigué, monsieur Pageot s’endormit sur un banc. Devant ce fait, les autres veilleurs, qui le connaissaient bien, en profitèrent pour lui jouer un vilain tour en quittant la pièce à son insu, sans mot dire. Quelques instants plus tard, le chat de la maison sauta sur le banc du dormeur et le réveilla brusquement. Il jeta un coup d’œil autour de lui pour constater qu’il était seul avec le mort. Pris de frayeur, il ouvrit la porte et enjamba toutes les marches de l’escalier d’un seul coup, se jurant qu’on ne le reprendrait plus jamais. Même mort, le quêteur farceur inspirait les gens à jouer des tours et à profiter de la vie !

Source : Saint-Sylvestre se raconte 1828-1978, sous la direction de Julien Bilodeau.

La semaine de la prévention incendie 2019 aura lieu du 6 au 12 octobre 2019 sur le thème, « Le premier responsable c’est toi ». Nous vous invitons à lire les 10 conseils pour prévenir les incendies et à visiter la page sécurité incendie du site de la MRC de Lotbinière.

 

Amis cyclistes, veuillez prendre note que la piste cyclable du parc linéaire de la MRC sera fermée à partir du 7 octobre pour le reste de la saison.

Des travaux d’asphaltage seront réalisés sur près de 8 km. Ce sera une belle nouveauté à découvrir pour le début de saison cyclable en 2020 !

Ce projet est rendu possible grâce au soutien financier du Fonds d’appui et de rayonnement des régions (FARR), du sentier transcanadien, de la municipalité de Saint-Agapit et de la MRC de Lotbinière.